Détachement de travailleurs étrangers : pour combien de temps et à quelles conditions?

Ordonnance n°2019-116 du 20 février 2019 portant transposition de la directive (UE) 2018/957 et décret d’application concernant le détachement de travailleurs étrangers

Dispositions applicables à compter du 30 juillet 2020

Le champ d’application de ces dispositions concerne l’ensemble des détachement des travailleurs : le détachement effectué dans le cadre d’une prestation de services, le détachement effectué au sein d’un groupe, le détachement pour le compte de l’employeur.

Ces dispositions ne s’appliquent néanmoins pas au personnel roulant des entreprises de transport routier.

LES GRANDES LIGNES :

  • Le détachement reste possible au-delà de 12 mois mais, passé 12 mois (ou exceptionnellement 18 mois) les dispositions légales et conventionnelles françaises sont quasiment toutes applicables au salarié détaché. Ainsi, l’Ordonnance consacre en droit français un statut de détaché de longue durée ;
  • L’Ordonnance ne remet pas en question la possibilité pour le salarié détaché de demeurer affilié au régime de couverture sociale du pays d’origine, sous réserve des conditions prévues par les conventions internationales en matière de protection sociale et dans les limites de temps fixées par lesdites conventions ;
  • Rappelons que les dispositions du Code du travail français prévoyaient déjà un « noyau dur » de règles applicables à tous les salariés détachés en France et rappelées à l’article L1262-4 du Code du travail. En ce sens, l’apport de la directive est probablement moins significatif en France que dans d’autres États membres dont le droit interne était moins protecteur ;
  • Le principal apport de l’Ordonnance est de clarifier la notion de rémunération lorsqu’il s’agit de traiter le salarié détaché comme les autres salariés de la société d’accueil ;
  • Les obligations d’information pour les entreprises de travail temporaire et les démarches déclaratives de l’employeur sont renforcées, facilitant et améliorant ainsi les conditions de contrôle des autorités françaises.

 

Renforcement des droits applicables aux travailleurs détachés

L’Ordonnance n’2019-116 modifie substantiellement l’article L.1262-4 du Code du travail pour y inscrire le principe d’égalité de traitement qui repose désormais sur une définition unique de la notion de rémunération. 

Les droits issus de la législation française dont bénéficient les salariés détachés sur le territoire français (dit « noyau dur ») ont été étendus aux règles en matière de rémunération, égalité de traitement et remboursement de frais professionnels engagés :

Notion de rémunération: La notion de « salaire minimum [et] accessoires de salaire légalement ou conventionnellement fixés » laisse place à celle de « rémunération », plus large, qui englobe les primes conventionnelles de toute nature, prévues par la loi ou les conventions collectives étendues (obligatoires pour l’ensemble des entreprises d’un secteur professionnel – il ne s’agit donc pas en principe de celles instituées par accord collectif d’entreprise, les salariés détachés ne faisant pas partie de l’effectif de l’entreprise d’accueil).

Principe d’égalité de traitement: Il s’agit d’offrir aux salariés détachés de longue durée, des droits aussi similaires que possible à ceux auxquels peuvent prétendre les salariés d’une société française employés dans la même branche d’activité.

Remboursement des frais professionnels: Le remboursement des frais professionnels engagés par les salariés détachés concernant le transport, les repas et l’hébergement compte désormais expressément parmi les dispositions du « noyau dur ». Ces frais doivent être pris en charge par l’employeur et ils sont exclus du montant pris en compte pour l’appréciation du traitement équitable en matière de rémunération. Toute prime versée au détaché et dont l’objet n’est pas précisé est considérée comme un remboursement de frais liés au détachement et n’entre pas dans le montant de la rémunération susvisée si l’employeur ne peut démontrer par ailleurs la prise en charge desdits frais.

 

Quid après 12 mois (exceptionnellement 18 mois) :

En cas de détachement supérieur à 12 mois, les salariés détachés doivent bénéficier d’un « noyau dur » étendu. Dès lors l’employeur est soumis dès le 13e mois aux dispositions du Code du travail et des conventions collectives étendues, à l’exception de celles relatives à : la formation, l’exécution du contrat de travail et à sa modification pour motif économique, ainsi que celles relatives à la rupture du contrat de travail à durée indéterminée.

Une prolongation d’une durée maximale de 6 mois reste possible : celle-ci doit être justifiée par la nature de la prestation à remplir et est subordonnée à une déclaration préalable motivée à déposer via la procédure de SIPSI.

  • L’absence de déclaration de prolongation pourrait faire l’objet d’une amende administrative d’au plus 4 000 Euros par salarié détaché, voire de suspension temporaire du détachement ;
  • Pour les salariés déjà détachés en France à la date d’application des dispositions de l’ordonnance, le seuil des 12 mois est apprécié en tenant compte de la période détachement déjà accomplie ;
  • En cas de remplacement d’un autre salarié détaché sur le même poste de travail, le délai de 12 mois s’apprécie en cumulant les durées des deux salariés détachés.

Ce seuil n’emporte aucune conséquence concernant le détachement en matière de sécurité sociale. Les durées prévues par les conventions bilatérales demeurent applicables.

 

Renforcement des obligations d’information en cas de détachement par une entreprise de travail temporaire :

L’ordonnance introduit aux articles L. 1262-2 et suivants du Code du travail, une nouvelle obligation d’information en cas de travail temporaire, afin de clarifier pour l’entreprise de travail temporaire et pour l’entreprise utilisatrice, la nature des obligations qui leur incombent et assurer le respect des droits des salariés détachés.

 

Conséquences et actions pratiques pour les sociétés

  • Identifier les salariés actuellement détachés en France et qui ont ou s’apprêtent à dépasser la période de 12 mois de détachement ;
  • Modifier la déclaration préalable de détachement pour ces salariés via l’outil SIPSI qui nécessite la mise à jour de la déclaration de détachement tous les 6 mois. Cet outil offre également déjà un choix intitulé « déclaration motivée dans le cadre d’un détachement de longue durée » pour les demandes de plus de 12 mois ;
  • Pour les détachements en cours, cette déclaration SIPSI annule et remplace la précédente et doit être déposée au plus tard le 30 août 2020, voire le 15 août 2020 si la limite des 12 mois est atteinte à partir de cette dernière date ;
  • Vérifier les avenants contractuels pour s’assurer de respecter les conditions du Code du travail et des conventions collectives étendues notamment au regard de l’obligation de prévoir une rémunération égale à celle servie aux salariés locaux, hors frais de mobilité professionnelle ;
  • Vérifier que les conditions françaises prévues sont plus favorables que les conditions applicables dans le pays d’origine : La rémunération légale ou conventionnelle ne s’impose à l’entreprise étrangère qu’à la condition que la rémunération contractuelle versée au travailleur détaché soit moins favorable que celle du pays d’accueil. L’application du noyau dur des règles ne peut pas se faire au détriment du salarié ;
  • En profiter pour vérifier la validité des certificats de couverture sociale et penser à demander leur renouvèlement le cas échéant.
 
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