Télétravail à l’étranger : à quelle conditions?

Le télétravail désigne toute forme d’organisation du travail dans laquelle, un travail qui aurait également pu être exécuté dans les locaux de l’employeur, est effectué par un salarié hors de ces locaux de façon volontaire en utilisant les technologies de l’information et de la communication (C. trav. art. L 1222‐9).

Les nouvelles contraintes sanitaires imposées par la pandémie Covid-19 ont amené (ou parfois même forcé) les employeurs et salariés à repenser l’organisation du travail. Aujourd’hui, au-delà des contraintes sanitaires, le télétravail apparait plus que jamais comme un moyen de réinventer son lieu de travail. C’est aussi devenu un atout majeur de recrutement et de fidélisation des salariés, compte tenu des avantages directs apportés salariés : économie de temps, autonomie, responsabilisation.

Cette révolution dans l’organisation du travail, s’étend désormais, au-delà de nos frontières, offrant une flexibilité fortement plébiscitée par les travailleurs nomades souhaitant établir leur lieu de travail à l’étranger.

Certains pays comme l’Estonie ou la Barbade ont même créé un visa spécial permettant aux étrangers de s’y établir pour travailler à distance pour une société établie hors de leurs frontières.

Pourtant, le télétravail depuis l’étranger ne va pas sans conséquences, tant pour le salarié qui en bénéfice que pour l’employeur qui l’autorise.

Comment encadrer le télétravail à l’étranger et circonscrire les risques de défaut de conformité avec les règles applicables en matière de mobilité internationale (droit du travail, protection sociale, immigration, droit fiscal…), tout en restant attractif pour de nouveaux candidats et salariés en poste ?

Mise en place du télétravail au sein des entreprises françaises :

En principe et hors situation de crise sanitaire, cette organisation du travail n’est pas d’application obligatoire, mais est conditionnée par l’accord de l’employeur et du salarié. Elle est mis en place de manière permanente ou occasionnelle, dans le cadre :

  • d’un accord collectif ;
  • ou, à défaut, d’une charte élaborée par l’employeur, après avis du comité social et économique (CSE), s’il existe;
  • ou, en l’absence d’accord collectif ou de charte, dans le cadre d’un accord entre le salarié et l’employeur lorsqu’ils conviennent de recourir au télétravail.

Outre la nécessité que l’activité exercée se prête à cette organisation, le télétravail repose également sur des aptitudes individuelles et des qualités professionnelles permettant d’exercer une activité à distance dans de bonnes conditions et la capacité de remplir ses fonctions de façon autonome. 

L’employeur est tenu de s’assurer de la sécurité et de santé des salariés, même dans le cadre du travail. Les conditions du télétravail doivent donc être encadrées.

Les conséquences en droit :

Aucun texte n’interdit qu’un salarié dont l’employeur est situé en France travaille à distance dans un pays étranger. Cela emporte cependant des conséquences significatives pour l’employeur :

En matière d’immigration, chaque État définit souverainement les autorisations requises pour y travailler. Ces autorisations sont le plus souvent allégées dans le cadre des voyages d’affaires. Cependant, si le télétravail hors de nos frontières tient d’une décision du salarié et qu’il n’est pas réalisé à l’occasion d’un voyage d’affaires (quelques jours en marge d’une réunion ou d’un événement professionnel organisé par l’employeur), des autorisations sont peut-être requises pour travailler dans l’État.

  • S’il s’agit de l’État d’origine du salarié concerné, il en a éventuellement la nationalité ce qui pourrait exonérer l’employeur de toutes démarches en matière d’immigration ;
  • S’il s’agit d’un État membre de l’Union Européenne et que le salarié concerné est citoyen de l’UE, il devrait pouvoir y travailler sans autorisation spécifique.

En matière de protection sociale, le principe est l’assujettissement du salarié dans le pays dans lequel l’activité est exercée physiquement. Cependant les accords internationaux de sécurité sociale (règlements européens, conventions bilatérales, décrets de coordination) pourraient permettre de déroger à ce principe.

  • Il convient d’analyser, pour chaque salarié concerné et selon les pays concernés, quelles sont les éventuelles dispositions conventionnelles applicables ;
  • L’application de ces accords peut parfois s’avérer contraignante, notamment en cas de de pluriactivité (article 13 du Règlement CE n°883/2004) : si une partie substantielle de l’activité (au moins 25% du temps de travail) est exercée dans son État de résidence, le salarié doit nécessairement être affilié au régime de sécurité sociale de l’État membre de résidence ;
  • L’employeur peut alors être tenu de s’enregistrer localement et d’y établir une paie.

En matière fiscale, le principe est également l’assujettissement à l’impôt sur le revenu dans le pays dans lequel est exercé l’activité. Certaines dispositions conventionnelles peuvent permettre d’y déroger.

  • Bien que les conventions fiscales peuvent prévoir l’élimination des doubles impositions entre les pays signataires, le principe consacré par les conventions fiscales internationales est l’assujettissement du salarié sur les rémunérations correspondant à toute activité exercée dans son État de résidence. ;
  • L’employeur peut alors être tenu de liquider l’imposition due sur les rémunérations via prélèvement à la source. Il doit alors s’enregistrer localement et y établir une paie.

En matière de droit du travail, si le contrat de travail est en général exécuté en France, le droit français restera en principe applicable même si cela n’est pas expressément prévu par les parties. En revanche, les règles impératives et d’ordre public du pays d’exercice de l’activité y seront applicables concernant les jours d’activité en télétravail.

  • Il convient de vérifier que le contrat de travail prévoit bien l’application du droit français comme droit choisi entre les parties ;
  • Il convient de s’assurer auprès de conseils locaux des éventuelles règles d’ordre public applicables à la situation (temps de travail, règles sur le temps de repos, règles sur la santé et la sécurité au travail, etc.)

L’employeur reste responsable de la santé et la sécurité du salarié, même lorsqu’il travaille à l’étranger à sa demande.

  • Des mesures doivent être prises pour s’assurer des conditions de travail dans le pays étranger (attestation sur l’honneur du salarié, attestation d’assurance, etc.)

Attention à respecter les règles françaises en matière de temps de travail, d’organisation et de droit à la déconnexion ! Certains pays sont éloignés de la France, le décalage horaire peut requérir d’adapter l’organisation de travail du salarié.

Autres conséquences : problématique de constitution d’établissement stable de la société employeur dans le pays étranger, protection des données et confidentialité, prise en charge des frais de déplacement, etc.

Assouplissements juridiques mis en place dans le cadre du Covid-19 :

Pendant la période de crise sanitaire, le télétravail a été rendu obligatoire pour de nombreux salariés (Article L 1222-11 du Code du travail). Certains salariés concernés ont été bloqués hors de France, d’autres ont choisi de s’y établir. Afin de circonscrire les conséquences fiscales et sociales et d’immigration, des mesures européennes et internationales ont été mises en places entre certains pays (la France a notamment conclu des accords en matière fiscale, avec le Luxembourg, l’Italie, la Belgique, la Suisse et l’Allemagne).

Les bons reflexes concernant le télétravail à l’étranger :

  • Vérifier le contenu des accords actuellement mis en place au sein de la société concernant le télétravail ;
  • Identifier les salariés concernés (déjà enregistrés comme non-résidents fiscaux de France, recrutés depuis l’étranger, salariés en mission temporaire à l’étranger, etc.) ;
  • Définir les règles et le cadre applicables en matière de télétravail sur le territoire national et, éventuellement à l’étranger (lister les cas de recours au télétravail, qu’ils soient réguliers, occasionnels ou imposé par des circonstances exceptionnelles, sa mise en œuvre, les conditions de contrôle et régulation, de retour sur le lieu de travail, l’obligation d’information par le salarié, etc.) ;
  • Vérifier les dispositions conventionnelles applicables et les conditions d’assurance applicables (rapatriement, assurance voyage, etc.) ;
  • Coordonner le sujet avec les équipes en charge de la sécurité des salariés.

 

Notre équipe est bien entendu à votre disposition pour répondre à toutes vos questions sur ce sujet!