Flash actu droit social – Jurisprudence : absence de certificat de détachement (E101 ou A1) – Travail dissimulé – Délit de marchandage

Un arrêt intéressant concernant l’opposabilité du défaut de certificat de couverture sociale. En l’absence de certificat E101 / A1, les juges français n’ont pas à rechercher si les cotisations étaient effectivement dues en France au regard des dispositions des règlements UE.

Flash actu droit social : Cour de cassation, Chambre sociale, Arrêt n°991 du 04 novembre 2020 (18-24.451 et suivants)

https://www.courdecassation.fr/jurisprudence_2/chambre_sociale_576/991_4_45745.html

En l’absence de fraude, les juges français n’ont pas à apprécier la situation des salariés pour confirmer la législation de Sécurité sociale applicable, conformément aux dispositions des  règlements communautaires.

  • Seules les institutions sociales des pays désignés par les règlements communautaires sont compétentes : l’absence de décision / le refus / le retrait des certificat E101 ou A1 s’imposent donc aux autorités et juridictions françaises ;
  • Les sociétés utilisatrices des salariés mis à disposition en France, doivent faire cesser la situation sans délai, à défaut, elles sont solidairement responsables.

CE QU’IL FAUT EN RETENIR ?

  • Introduire les demandes de certificat de détachement auprès des autorités compétentes pour en assurer l’opposabilité et se ménager la preuve de la situation de mobilité alléguée pour obtenir le certificat ;
  • En cas de contrôle, les autorités de l’Etat d’accueil peuvent demander aux autorités qui ont émis le certificat de couverture sociale de le retirer ;
  • En cas d’absence/refus/retrait de certificat : les recours ne peuvent être diligentés qu’auprès des autorités désignées par les règlements : les autorités françaises ne reverront pas la situation !
  • Il faut régulariser sans délai les cotisations dues dans le pays d’accueil même si la décision des institutions sociales est contestée ;
  • Demander la copie des certificats de détachement et s’assurer de leur renouvellement. Suivi à assurer, idéalement via un outil de suivi dédié aux RH (ex. : www.myexpatdata.com )
  • En cas de doute, demander au co-contractant un « droit de regard » sur les procédures de demande de certificats de couverture sociale  

Notre cabinet et nos correspondants internationaux peuvent vous aider !

L’arrêt en bref : 

Les faits :

Entre mars 2010 et juin 2011, une société de travail temporaire de droit chypriote a mis des salariés polonais – domiciliés en Pologne, à disposition de deux sociétés françaises, pour exécuter un chantier de construction en France.

Des certificat de couverture sociale avaient été demandés par l’employeur chypriote, auprès des autorités chypriotes – pour une situation alléguée de détachement.

Ces certificats avaient été émis mais ont par la suite été retirés par ces mêmes autorités (alertées par les autorités françaises suite à un contrôle sur site).

La procédure :

En marge d’une procédure pénale, certains salariés polonais ont saisi les juridictions françaises d’une demande d’indemnisation par la société chypriote et les sociétés utilisatrices en France, en raison de la situation de travail dissimulé.

  • Le Conseil des Prud’hommes a condamné la société chypriote seulement => versement d’indemnités aux salariés pour travail dissimulé.
  • La Cour d’appel a confirmé la situation de travail dissimulé et condamné les sociétés chypriotes et françaises solidairement.

Le pourvoi Selon les défenderesses :

  • Indépendamment du retrait des certificats de couverture sociale, la Cour d’appel aurait dû rechercher si la législation de Sécurité sociale française était applicable, en qualifiant si une situation de pluriactivité existait, justifiant éventuellement l’application d’une autre législation que la législation française.
  • Elles avaient fait cesser le contrat de sous-traitance fin juin 2011 suite à l’absence d’envoi des justificatifs demandés à la société chypriote, et ne pouvaient donc être tenues solidairement responsables du paiement des indemnités dues aux salariés.

La solution : La Cour de Cassation rappelle ce qui suit :

  • Principe : Affiliation au régime de Sécurité sociale de l’Etat dans lequel l’activité salariée est exercée ;
  • 2 exceptions selon les règlements communautaires  : (i) détachement / (ii) pluriactivité ;
  • En l’absence de fraude et alors que l’Etat de résidence est distinct de l’Etat où l’activité est exercée, les juges français n’ont pas à vérifier la situation des salariés ni à confirmer la législation applicable puisque les textes communautaires prévoient clairement les règles d’attribution de compétence à ce sujet : (i) en cas de détachement, de l’institution de l’Etat où l’employeur exerce normalement son activité et, (ii) en cas de pluriactivité, de l’institution de l’Etat de résidence de la personne concernée.

Les sociétés utilisatrices en France sont solidairement responsables du paiement des indemnités pour travail dissimulé puisqu’elles avaient été informées le 25 mai 2011 des manquements par la société chypriote et se sont abstenues, en l’absence de certificats A1/E101, de lui enjoindre aussitôt de faire cesser et sans délai cette situation en accomplissant les formalités prescrites par ces articles.