Flash actu droit social : faut-il rembourser aux salariés les frais de transport domicile-lieu de travail en cas l’éloignement volontaire de la résidence habituelle ? Quid des salariés établis à l’étranger ?

Dans une décision du 5 juillet 2022, le tribunal judiciaire de Paris rappelle que l’éloignement géographique du domicile du salarié pour convenance personnelle ne peut pas justifier un refus de remboursement des frais de transports en commun pour les trajets domicile-lieu de travail.

Flash actu droit social : TJ Paris du 5-7-2022, n°22/04735, CSE de l'UES Natixis investment managers c/ Sté Natixis investment managers

Base légale : Les articles L 3261-2 et R 3261-1 du Code du travail prévoient que l’employeur doit prendre en charge 50 % du coût des titres d’abonnement souscrits pas ses salariés pour les déplacements entre leur résidence habituelle et leur lieu de travail accomplis au moyen de transports publics de personnes ou de services publics de location de vélo.

Au cas d’espèce, l’employeur avait soumis le remboursement escompté aux salariés dont le domicile personnel était situé à moins de 4 heures de transport de Paris.

Le comité social et économique (CSE) de l’UES avait saisi le tribunal judiciaire de Paris afin de voir abandonner cette condition de remboursement qui créait, selon le CSE, une disparité de traitement illégale entre les salariés et constituait une atteinte illégitime à la liberté du salarié d’établir son domicile au lieu de son choix.

Le Tribunal rappelle cette liberté des salariés consacrée par l’article 8 de la convention européenne des droits de l’Homme et précise notamment que le Code du travail fait uniquement référence à la prise en charge des frais de transport pour les déplacements entre la résidence habituelle et le lieu de travail, sans référence à un déplacement au sein d’une même région ni à une exclusion des déplacements effectués entre deux régions distinctes. Selon le Tribunal, l’employeur ne peut créer de condition supra légale au sujet de son obligation de prise en charge des frais de transport domicile-lieu de travail, prévue par le Code du travail.

Cette solution avait déjà été consacrée par la Cour de cassation, laquelle précise cependant qu’un salarié qui occupe un domicile en région parisienne en semaine et ne rentre en province que le week-end pour y retrouver sa famille n’est pas éligible au remboursement de 50% des frais de transport tel que prévu par le Code du travail.

Le Bulletin Officielle de la Sécurité Sociale (BOSS) reprend également cette solution de manière explicite : 

« Bénéficient de la prise en charge obligatoire tous les salariés, quel que soit leur lieu de résidence et leur lieu d’emploi, qui empruntent pour les déplacements entre leur domicile et leur lieu de travail les transports publics de voyageurs ou utilisent les services publics de location de vélos, au moyen de titres d’abonnement. 

Cette obligation étant de portée générale, les salariés dont l’éloignement de la résidence habituelle du lieu de travail relève de la convenance personnelle doivent bénéficier de la prise en charge obligatoire. » 

Quid concernant la mobilité internationale ?

Le Tribunal rappelle dans cette décision que l’obligation de remboursement de ces frais de transport n’est pas limitée à une zone géographique par le Code du travail.

La solution est également reprise par le BOSS : 

«  Les travailleurs frontaliers qui résident dans un pays limitrophe et travaillent en France sont ainsi susceptibles d’ouvrir droit à la prise en charge obligatoire dans les mêmes conditions que les salariés qui résident et travaillent en France dès lors qu’ils relèvent des législations françaises du travail et de sécurité sociale et qu’ils utilisent des titres d’abonnement visés par le dispositif. » 

En principe : Les salariés établis à l’étranger sont donc éligibles à ces remboursements de frais d’abonnement des services publics de transport en commun ou de location de vélos 

En pratique : Selon le BOSS, « la notion d’abonnement devant être interprétée strictement, le coût des réservations exposées à chaque voyage par les salariés bénéficiaires d’un abonnement SNCF (TGV) est exclu du dispositif de prise en charge obligatoire de 50%. » 

=> Les modalités de transports avec les pays étrangers ne permettent pas toujours l’utilisation des services publics de transport en commun (le BOSS ne vise d’ailleurs que les abonnement SNCF !), ce qui devrait en pratique restreindre l’éligibilité des salariés concernés aux remboursements des frais de transport international entre leur domicile personnel et leur lieu de travail en France. 

Seuls les frais d’abonnement aux transports sur des distances plus courtes (par exemple, métro, RER, train, vélo à la sortie des moyens de transport internationaux) seraient alors couverts.